LE SYMBOLISME DU DOS

Chargé de sens et d'images, le dos renvoie à ce qu'il y a de caché à l'homme, et de caché en l'homme. Mais aussi à ce qu'il y a d'essentiel en lui, en témoigne l'importance du DO MO en médecine chinoise. Menée plus profondément, l'étude du symbolisme du dos rappelle que ce qui est caché et essentiel en l'homme, finalement, c'est le sacré.

Notre expérience de l'espace implique toujours ce fait incontournable: ce qui se passe dans notre dos ne nous est pas visible, d'où un premier aspect du symbolisme du dos, qui est le côté du corps tourné vers le non-visible, c'est-à-dire l'inconscient, ce qui échappe à notre conscience habituelle. Ce qui se passe derrière notre dos représente donc ce que nous ignorons de nous-mêmes, notre « ombre ». Cet aspect du symbolisme du dos s'exprime parfois dans les rêves et aussi dans bien des expressions populaires. Ainsi, « faire quelque chose dans le dos » de quelqu'un, c'est agir à son insu. « En avoir plein le dos », c'est plier sous le poids de problèmes dont la solution échappe à notre conscience rationnelle et qui souvent s'expriment dans le langage du corps sous la forme d'un « mal au dos », « tourner le dos à un problème », c'est refuser de le voir et de l' »affronter » (vision par le front, par l'avant), refus qui nous fait « plier l'échine ».
Un autre aspect du symbolisme du dos est celui qui associe l'arrière au passé et l'avant à l'avenir. Le passé, c'est ce qui a été mais n'est plus, et « se retourner sur son passe » est d'un certain point de vue dangereux, en ceci que nous sommes alors exilés du moment présent.
Cette nocivité du « retournement vers le passé » s'illustre par exemple dans le mythe d'Orphée. Ayant perdu Eurydice ravie par la mort à son amour, il réussit par ses supplications à convaincre les dieux de lui rendre sa bien-aimée. Ceci lui fut accordé à la condition expresse que, l'ayant cherchée à la sortie des enfers et la précédant dans ce retour à l'existence terrestre il ne se retourne jamais sur elle pendant tout ce trajet. Incapable de résister à la tentation de la regarder, en se retournant il perdit instantanément ce qu'il venait de reconquérir. De même, Lot, sa femme et ses deux elles furent conduites par deux anges hors de Sodome, la ville pervertie, avant sa destruction par la puissance divine, avec cet avertissement « Debout ! Sauve-toi, sur ta vie, ne regarde pas derrière toi et ne t'arrête nulle part dans la plaine, pour n'être pas emporté » (Genèse, XIX, 15), « Or, la femme de Lot regarda en arrière et fut changée en colonne de sel » (Un, XIX, 25).
Cette empreinte du passé (ce qui est derrière nous, dans notre dos) sur toutes nos perceptions et conceptions présentes et sur les comportements qui en découlent, correspond à ce qu'en Inde on appelle Samskaras, traces inconscientes laissées en nous par les expériences de notre lointain passé.
Ces Samskaras s'expriment par les Vasanas, tendances irrésistibles à répéter des comportements inadéquats qui nous interdisent de répondre de façon juste et adaptée à ce que chaque situation existentielle nous demande. [...] . L'aspect le plus important du symbolisme du dos chez l'homme est lie à sa verticalité. L'homme est en effet le seul mammifère à port complètement vertical, spécificité directement associée au fait qu'il est le seul être vivant doué d'une conscience reflétant la Conscience divine.
Or, c'est la colonne vertébrale qui est porteuse de cette verticalité, colonne au sens plein du terme: soutien vertical d'une structure élancée vers le ciel [...]
La colonne vertébrale ainsi constituée, milieu du dos, réalise une structure métamérique faite d'un axe central (vertèbres et moelle épinière) traversant des plans horizontaux virtuels successifs et d'où émergent à chaque étage des nerfs spinaux. Ceux-ci portent l'influx nerveux moteur dans tous les territoires moteurs du corps et, en sens inverse, les stimuli sensitifs vers les centres cérébraux.
Cet axe central, le névraxe, constitué de l'encéphale et de la moelle épinière, transmet donc une énergie centrifuge yang, motrice, et une énergie centripète yin, sensitive, qui animent l'ensemble de l'organisme humain.

Il exprime le même archétype que l'épisode biblique de l'échelle de Jacob (Genèse, 28, 11 à 19). Jacob endormi rêve : « Voilà qu'une échelle était plantée en terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient ... » « . Et Yahvé lui dit « La terre sur laquelle tu es couché, je te la donne à toi et ta descendance qui deviendra nombreuse comme la poussière du sol ». A la suite de ce rêve, Jacob prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête (horizontale, donc) avant de s'endormir et la dressa comme une colonne (verticale) et la consacra: « Et cette pierre que j'ai dressée comme une colonne sera la maison de Dieu ». Dans cet épisode de la Genèse est bien mise en évidence la relation entre verticalité et présence divine. R. Guénon écrit : 'Il est très probable que chez les peuples celtiques certains menhirs avaient cette signification et les oracles étaient rendus auprès de ces pierres comme è Delphes, ce qui s'explique aisément dès lors qu'elles étaient considérées comme la demeure de la Divinité » [...]

